Plaidoyer pour l’altruisme de Matthieu Ricard

méditation et altruisme

Matthieu Ricard, auteur du livre Plaidoyer pour l’altruisme

Matthieu Ricard, le moine interprète du Dalaï-Lama pour la langue française,  auteur de l’un des meilleurs livres pour apprendre la méditation vient de sortir un nouvel ouvrage intitulé Plaidoyer pour l’Altruisme : La force de la bienveillance.

La force de la bienveillance

A cette occasion, Matthieu Ricard a été l’invité de Jean-Jacques Bourdin sur la station de radio BFM. Vous trouverez ci-dessous leur entretien en vidéo.

http://www.youtube.com/watch?v=DGt2jZXG0kQ

 

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Interviewer : Matthieu RICARD, bonjour.

Matthieu RICARD : Bonjour.

Interviewer : Merci d’être avec nous.

Matthieu RICARD : Avec plaisir.

Interviewer : Matthieu RICARD, vous êtes moine bouddhiste.

Matthieu RICARD : Ça se voit.

Interviewer : Vous êtes l’un des interprètes des porte-paroles du Dalaï-lama.

Matthieu RICARD : Oui.

Interviewer : Vous vivez dans un monastère, où précisément ?

Matthieu RICARD : Au Népal.

Interviewer : Au Népal.

Matthieu RICARD : J’ai déjà vécu en Inde, à Darjeeling puis au Bhoutan. J’ai des projets humanitaires au Tibet, on a fait 120 projets. Et je suis basé dans un monastère au Népal et aussi dans un petit ermitage face à l’Himalaya, bien tranquille.

Interviewer : C’est vrai, à quelle altitude ?

Matthieu RICARD : Ce n’est pas très haut.

Interviewer : Décrivez-nous un peu le lieu.

Matthieu RICARD : 300 km d’Himalaya devant soi à 2 000 m. Et puis, quand nous travaillons au Tibet, c’est à 4 000 m d’altitude.

Interviewer : Matthieu RICARD, pour regarder le monde dans lequel vous plongez et dans lequel vous vous êtes plongé pour ce livre qui a pour titre chez NiL Editions : Plaidoyer pour l’altruisme, la force de la bienveillance. Habituellement, je reçois des responsables politiques. Quoique d’ailleurs tiens, est-ce que vous votez aux élections ?

Matthieu RICARD : Pas beaucoup. Je vais vous dire pourquoi. En fait, j’avais très envie de voter pour Obama à l’époque mais évidemment, je ne suis pas citoyen américain. L’agenda que je défends, pour une société plus solidaire, plus altruiste, il y a des éléments qui peuvent sembler de droite, qui peuvent sembler de gauche. Je ne me retrouve pas dans le spectre politique. Je pense que les visions que j’essaie de défendre, une harmonie durable ou quel que soit le nom que vous lui donnez, il y a des éléments de tous les côtés du spectre politique donc, je ne me reconnais pas dans une partie de ces deux 00:01:52.

Interviewer : Donc, vous ne pouvez pas choisir un camp ?

Matthieu RICARD : Certainement que s’il y avait quelqu’un avec la même source d’inspiration que Nelson MANDELA, GANDHI ou le Dalaï-Lama, probablement que je me bougerais un peu plus.

Interviewer : Bon, Matthieu RICARD, vous avez vu les images en provenance de Lampedusa, ce drame humain effroyable. Le pape François dit : « C’est une honte. » Il appelle tous les croyants à prier pour tous les réfugiés dans le monde. Quel regard portez-vous à ça ?

Matthieu RICARD : C’est le problème des inégalités va croissant. Il y a un problème simplement de l’accès aux moyens décents de vie. Vous avez quand même 1,5 milliard et demi de personnes qui sont en dessous du seuil de la pauvreté pendant qu’il y a une consommation effrénée et superflue dans les pays les plus riches. Il y a aussi un vrai problème dans l’avenir parce que, d’abord, il y a beaucoup de gens qui essaient d’émigrer vers les pays affluents mais à la vitesse où ça va, vous arrivez bientôt à avoir 200 millions de réfugiés climatiques. Si on ne s’y prend pas maintenant, ça va être un vrai problème. Aujourd’hui même, si vous voyez, la carte du monde et que vous multipliez la surface par les émissions de CO2 : L’Amérique du Nord et l’Europe se gonflent comme des ballons de baudruche. L’Afrique, l’Amérique du Sud disparaissent. Si vous voyez, aujourd’hui, le nombre de morts dus aux variations de température parce qu’il y a beaucoup de maladies comme le paludisme qui sont sensibles, 00:03:24 une quinzaine de maladies, aux extrêmes de climats ou d’inondations. Du coup, l’Afrique se gonfle comme un ballon de baudruche et l’Amérique du Nord et l’Europe disparaissent de la carte. Là, il y a une injustice aussi sociale dans la gestion du climat, la gestion de l’inégalité. Il faut remédier à ces inégalités. C’est injuste mais c’est en même temps les sources de conflits.

Interviewer : Source de conflits, oui, et évidemment, ça entraîne tous les réfugiés qu’hier sur la planète. Matthieu RICARD, j’ai envie d’être un peu provocateur, à quoi servez-vous ?

Matthieu RICARD : A rien.

Interviewer : Dans votre monastère, à quoi servez-vous ?

Matthieu RICARD : Dans le monastère, je suis balayeur de service. Grâce à avoir écrit deux, trois bouquins, avoir des philanthropes – ils ont rejoint, maintenant, nous avons fondé 130 projets humanitaires d’une association qui s’appelle Carona, ça veut dire compassion, c’est le nom du monastère. Et quand même, nous soignons 100 000 personnes par an, 25 000 enfants dans les écoles, ça fait plaisir.

Interviewer : Parce que votre Plaidoyer pour l’altruisme, la force de la bienveillance, c’est bien mais concrètement, maintenant, vous nous prouvez qu’il y a…

Matthieu RICARD : Il faut mettre la compassion en action.

Interviewer : Voilà, parce que ce Plaidoyer pour l’altruisme, ce n’est pas un plaidoyer pour le bouddhisme.

Matthieu RICARD : Absolument pas. Le Dalaï-Lama nous dit…

Interviewer : Vous n’êtes pas là pour faire du prosélytisme.

Matthieu RICARD : Absolument pas. Le Dalaï-Lama dit : « Je ne suis pas venu faire un ou deux bouddhistes de plus. C’est partager des idées sur les valeurs humaines, sur la nécessité de passer à un niveau supérieur de coopération. Et pourquoi l’altruisme ?

Interviewer : Pourquoi, oui.

Matthieu RICARD : Ça peut paraître des bons sentiments, une utopie sympathique, un luxe qu’on peut se permettre quand tout va bien. Mais non, regardez, nous avons un défi majeur. Vous savez l’économie, on en parle à 0,2 %, le PIB augmente, etc. Ça va vite, ça démonte, ça descend, on ne comprend plus pourquoi. Ça, c’est le court terme. Vous avez le moyen terme. Enfin, mais qu’est-ce que c’est ? Une famille, une carrière, une génération, une vie. Mais si un pays est le plus riche et le plus puissant, tout le monde est misérable, malheureux, ça sert à quoi ? Il y a le fait que comment vous regardez votre vie à chaque instant et sur la durée. Et puis, il y a le plus long terme de l’environnement qui est la première fois dans l’histoire humaine, l’homme a un impact majeur sur l’avenir de la planète et des générations à venir. Conceptuellement, un économiste fait ses comptes à la fin de l’année et ce qui se passe dans 100 ans, vous savez, moi je suis marxiste mais à tendance Groucho, vous vous rappelez les moustachu ?

Interviewer : Oui.

Matthieu RICARD : Il a dit : « Pourquoi m’occuperais-je des générations à venir, qu’est-ce qu’elles ont fait pour moi ? » C’est une belle boutade mais ça reflète l’attitude de beaucoup de personnes : « Après moi, le déluge. » Donc, on est un peu perdu conceptuellement. Comment voulez-vous que les communistes fassent des modèles qui tiennent en compte ces trois échelles de temps ? Et là, vous voyez que la considération pour autrui, l’économie de la sollicitude, le fait de veiller aux bonnes 00:06:12 brutes des gens, de veiller aux générations futures, c’est le concept qui permet au moins de créer des modèles qui ont un sens, qui se donnent un sens à tout ça.

Interviewer : Vous dites : « L’altruisme n’est pas qu’un sentiment généreux, c’est aussi la réponse à la crise que traverse la société. »

Matthieu RICARD : Parce que l’altruisme implique le sentiment de coopération. Et l’altruisme, qu’est-ce que c’est ? C’est d’accorder de la valeur à l’autre. Or, vous voyez un génocide, ça commence par dévaloriser l’autre, le déshumaniser, on parle de cancrelat, de peste, de vermine qu’il faut éliminer, donc accorder la valeur à l’autre. Jean Jacques ROUSSEAU disait : « Le riche ne sait pas s’imaginer pauvre. »

Interviewer : Oui.

Matthieu RICARD : KAFKA disait : « La guerre est un prodigieux manque d’imagination. On ne se met pas à la place de l’autre. » Si vous vous mettez à la place de l’autre, vous lui accordez de la valeur. Moi-même, je souhaite être heureux, je me réveille pas le matin en me disant : « Puissé-je être malheureux toute la journée. » donc il suffit que…

Interviewer : Oui mais comment vous suivre, Matthieu RICARD quand on vit avec une petite pension, qu’on est poursuivi par son banquier ou que son entreprise est au bord de la faillite ?

Matthieu RICARD : Regardez, en France, 24 % des Français donnent du temps chaque semaine pour le bénévolat. Ce n’est pas à la une des journaux, ça.

Interviewer : Non, c’est vrai.

Matthieu RICARD : C’est dommage. Il y a 1 000 000 d’ONG dans le monde, 40 000 000 d’ONG internationales. Quand il y en a une qui fait une bêtise quelque part en Afrique, ça fait les journaux pendant 15 jours mais quand il y en a plein qui font des choses formidables… C’est ça le problème. La banalité du bien, c’est la vie de tous les jours. Finalement, dans la vie quotidienne, les gens s’entraident, ils coopèrent, on ne se bagarre pas à la sortie du studio automatiquement. Mais quand il y a quelque chose qui choque… Et c’est vrai que les médias, ce n’est pas une intention, vous n’avez pas l’intention de présenter une vue déformée de la réalité. Mais si vous songez qu’il y a quelqu’un qui regarde la télévision a vu 2 600 meurtres en une année, ce n’est pas la réalité. Il y a peu de gens, heureusement, ont vu de visu un meurtre dans leur vie. Donc, il faut essayer de donner quand même un peu plus de substance à voir qu’il y a beaucoup de choses dans la vie quotidienne, ce n’est pas forcément des saints et des héros, ça fait partie de notre nature. Déjà chez l’enfant, on remarque cette tendance à coopérer.

Interviewer : Le bouddhisme, c’est une religion ou une philosophie ?

Matthieu RICARD : Dalaï-Lama dit souvent : « Pauvre bouddhistes ! Les philosophes disent que c’est une religion. Les religieux disent que c’est une philosophie. Ils se trouvent ainsi entre deux chaises. » C’est un chemin de transformation pour passer de l’ignorance à la connaissance, pour se débarrasser de la haine, de la jalousie, de l’orgueil, etc. pour devenir une bonne personne. Dalaï-Lama dit souvent : « Ma religion, c’est le bon cœur. » Il n’est pas naïf. Il peut aussi vous expliquer des points philosophiques très profonds.

Interviewer : On a l’impression, à vous écouter, que Dalaï-Lama c’est un dieu, un dieu vivant.

Matthieu RICARD : Alors là…

Interviewer : Ah ! Je vais vous choquer, vous savez. Qu’est-ce qu’il dit quant à…

Matthieu RICARD : Il y en a qui me disent : « C’est un dieu vivant. » C’est absurde.

Interviewer : Oui.

Matthieu RICARD : Mes frères et sœurs Chinois, il y en a qui disent que je suis un serpent habillé en moine. C’est absurde. Je suis un être humain dans le seul but et en tant qu’être humain de promouvoir une éthique séculière dit-il parce qu’il n’y aura jamais une religion qui satisfera tout le monde sur la planète. Par contre, il y a l’amour altruiste, la compassion, la tolérance, on en a besoin de la naissance à la mort. Et il dit : « En tant que moine bouddhiste, je m’efforce de promouvoir l’harmonie entre les religions. » Vous voyez, l’harmonie et pas promouvoir le bouddhisme, bien sûr.

Interviewer : Matthieu RICARD, il y a des passages dans votre livre que j’ai beaucoup aimés, les passages qui concernent les enfants. Apprendre la bienveillance aux enfants parce que c’est là que tout commence, évidemment. Apprendre la bienveillance aux enfants, leur apprendre aussi une forme d’interdépendance, leur apprendre qu’ils ne sont pas seuls au monde, parce qu’aujourd’hui, malheureusement, on a l’impression que les enfants sont seuls au monde, on leur donne tellement de liberté, tellement d’importance. Vous nous parlez du programme développé dans une école maternelle de l’Etat du Wisconsin aux Etats-Unis, ça m’a beaucoup intéressé.

Matthieu RICARD : C’est passionnant !

Interviewer : Qu’est-ce qu’ils font là-bas ?

Matthieu RICARD : D’abord, c’est un neuroscientifique avec qui je travaille depuis 15 ans, Richard DAVIDSON. On étudie avec lui les effets de la méditation sur le cerveau. Mais il s’est dit : « Est-ce qu’on pourrait faire ça de manière séculière avec des jeunes parce que finalement c’est là où l’époque à laquelle le cerveau se forme ? » Et c’est ça qui va faire de vous un bon être humain. Il y a eu cette idée : l’enfant de 4 ou 5 ans d’une école très difficile. Une école des quartiers pauvres avec souvent des enfants, des parents célibataires, etc. 5 semaines, 20 minutes, 3 fois par semaine. Les enfants adorent ça. Qu’est-ce qu’ils font ?

D’abord, certaines prises de conscience. Vous voyez, les enfants sont dispersés, etc. Ils s’allongent, ils mettent un petit ours en peluche sur la poitrine, ils observent leur respiration à mesure que l’ours monte et descend. Donc, prendre conscience de ses sensations, de sa respiration, forcément ça les calme et les ouvre, etc. Ensuite, intelligence émotionnelle : si quelqu’un est triste ou si l’autre est en colère, ils essaient de voir qu’est-ce que l’autre ressent, qu’est-ce que tu ressens.

Ensuite, développer la coopération, la gratitude. Il plante les graines de l’amitié. Donc, il plante une graine qui va germer pendant ces 10 semaines. Et on leur dit : « Il faut prendre soin de cette graine. De la même façon, il faut prendre soin de l’amitié. » Donc tout un programme très simple. On pourrait se dire : « C’est naïf. C’est justement pour les occuper, à quoi ça sert ? » N’empêche qu’au bout de 10 semaines, résultat, vous demandez une évaluation des professeurs et des parents, leurs comportements prosociaux c’est-à-dire la façon dont ils sont en relation les uns avec les autres, l’absence de conflit nettement augmentaient. Mais le test ultime arrive, le test des autocollants.

Interviewer : C’est quoi, ça ? Dites-nous !

Matthieu RICARD : Avant, il détermine qui dans cette classe de 40 enfants, pour chaque enfant, qui est leur meilleur ami et leur moins bon ami. Maintenant, vous avez un groupe, le groupe, moi et les autres. Et ça, c’est très fort. Vous voyez les clubs de foot.

Interviewer : Ouais, il y a moi et les autres.

Matthieu RICARD : Bon, c’est très fort, les races, les religions, les clubs de foot, tout ce que vous voulez. C’est très fort chez l’être humain.

Ensuite, on leur donne quatre enveloppes : une avec la photo de leur meilleur ami, une avec la photo de leur moins bon ami, la troisième un enfant inconnu, quatrième, un enfant malade avec des bandages sur la figure. Et on leur donne 50 autocollants, des stickers et on dit : « Tu vas donner ça à un autre enfant, tu mets dans l’enveloppe. » Au début, il n’y a pas de mystère, ils donnent tout à leurs meilleurs copains ou copines. Ce à quoi on ne s’attendait pas, on attendait une petite différence, c’est qu’à la fin des 10 semaines, c’est absolument plat. C’est-à-dire qu’ils donnent autant à leurs meilleurs amis qu’à 00:12:23.

Interviewer : Qu’à leur meilleur ennemi, si je peux dire.

Matthieu RICARD : Oui. Ça montre que chez des jeunes enfants, on peut briser une discrimination qui est très forte chez l’être humain et qui est la source de beaucoup de conflits sociaux, humains, etc.

Interviewer : C’est une éducation du cerveau.

Matthieu RICARD : Parce que le cerveau est plastique.

Interviewer : Oui, il est plastique, bien sûr.

Matthieu RICARD : Et donc c’est là où on commence à engranger des valeurs.

Interviewer : Bien sûr.

Matthieu RICARD : Et autant qu’à faire, autant ne pas le laisser jouer à des jeux vidéo violents et plutôt inculquer des valeurs humaines positives.

Interviewer : Oui, ça se cultive.

Matthieu RICARD : Oui, ça se cultive. Tout se cultive. On apprend à lire, à écrire, à jouer au foot et on peut apprendre aussi à être plus altruiste.

Interviewer : Oui, à l’école, faire en sorte que les élèves les plus avancés aident les autres.

Matthieu RICARD : Alors ça, c’est l’apprentissage coopératif.

Interviewer : Ça, c’est très intéressant.

Matthieu RICARD : Et il s’est révélé qu’il était beaucoup plus productif et fertile que l’apprentissage compétitif. Ce que vous faites, vous divisez la classe en groupes de 5 ou 6, vous mettez des bons élèves avec des moins bons élèves, vous mélangez les sexes et les races éventuellement. Et vous avez une leçon à apprendre, on la coupe en cinq, chacun apprend un petit bout et ensuite ils mettent les petits bouts ensemble en discutant et en s’aidant. Ça crée une excellente atmosphère. Ça élimine les brimades et le bizutage qui sont malheureusement trop courants. Et, en plus, les résultats scolaires sont meilleurs. L’atmosphère est meilleure, les rapports avec les professeurs sont meilleurs.

Il y a des centaines d’écoles dans le monde qui le font mais ce n’est pas suffisant. Il faudrait le faire un peu partout. Il y a des régions comme la Finlande qui a toujours les meilleures notes pour l’éducation en Europe. Il n’y a pas d’examen, on ne note plus les élèves mais on fait venir le meilleur d’eux-mêmes, leur meilleur potentiel quel que soit, que ça soit dans le domaine artistique ou autre à la surface.

Pour les enfants, ce n’est pas une mutation formelle.

Interviewer : Ce n’est pas une éducation formelle, bien sûr.

Matthieu RICARD : 00:14:00 mais c’est ce genre de respect chez nous.

Interviewer : C’est sûr, c’est une forme de méditation.

Matthieu RICARD : C’est la méditation, qu’est-ce que ça veut dire ?

Interviewer : C’est quoi, oui, la méditation ?

Matthieu RICARD : C’est tout simple, ce n’est pas un mot exotique. Ça veut dire cultiver. Les mots sanskrits et tibétains cultiver. Cultiver une qualité, se familiariser avec quelque chose. Quand on apprend à jongler, on se familiarise avec l’art de jongler. Donc là, on se familiarise avec l’intelligence émotionnelle avec un peu plus d’ouverture à l’autre.

Interviewer : Mais quand vous défendez l’empathie, par exemple, on vous regarde un petit sourire, non ?

Matthieu RICARD : Alors, attention, je ne parle pas de l’empathie. C’est très spécifique.

Interviewer : Dans des esprits très rationnels, si je puis dire, on ne comprend pas très bien. Nous, on vous regarde avec un peu de… Non ?

Matthieu RICARD : Pourquoi ? C’est beaucoup plus productif si c’est tout le monde est gagnant. Regardez, vous poursuivez un bonheur totalement égoïste. L’homo economicus, vaut mieux l’homo alterucus, franchement. Maximiser tout le temps vos intérêts personnels. Je ne suis pas contre le fait que les autres soient heureux mais ce n’est pas mon boulot. Alors, vous pensez : « Moi, du matin au soir, vous rendez la vie misérable, évidemment, vous allez la rendre misérable à tout le monde. » Donc tout le monde est perdant. Vous êtes ouvert aux autres. Vous avez une bienveillance a priori, ça change les rapports humains. Je me sens bien et vous vous sentez bien.

Interviewer : Vous n’êtes jamais en colère ? Il vous arrive, Matthieu RICARD ?

Matthieu RICARD : A quoi ça sert ? Attendez !

Interviewer : Vous vous mettez en colère parfois ?

Matthieu RICARD : Il ne faut pas confondre la colère qui a un aspect de malveillance avec l’indignation.

Interviewer : Oui, avec l’indignation.

Matthieu RICARD : Quand vous voyez un massacre, quand vous risquez de passer à Lampedusa, etc. vous êtes indigné de l’injustice. Et cette indignation n’est pas liée à la malveillance ou à la nervosité. C’est inadmissible. Il faut que quelque chose soit fait. Ne pas avoir de colère dans le sens…

Interviewer : Mais si vous êtes cambriolé alors que vous êtes commerçant, vous vous êtes indigné, non pas en colère ?

Matthieu RICARD : Evidemment, il vaut mieux essayer d’empêcher ça 00:15:50. Ça ne sert à rien. A quoi ça sert d’encourager la haine en soi ? Encore une fois, on se nuit autant à soi-même qu’aux autres. C’est-à-dire que quand on est en état de haine, vous ne vous sentez jamais bien dans votre peau. Et puis ça vous conduit à des actions. Vous savez, GANDHI a dit : « Si vous appliquez œil pour œil, dent pour dent, le monde sera bientôt aveugle et édenté. » Donc, le cycle de la haine… Le pardon, ce n’est pas de dire : « Ce n’est pas grave. C’est un brave type finalement. Je me laisse faire. » C’est de briser le cycle de la haine et de la vengeance.

Interviewer : Oui, tendre l’autre joue…

Matthieu RICARD : Ce n’est pas tendre pour 00:16:24 des claques à tout prix mais simplement arrêter de continuer ce cycle de la haine, la réconciliation comme en Afrique du Sud. C’est OK. On a fait énormément de mal. Arrêtons ça. On brise le cycle de la haine, pas de représailles.

Interviewer : Mais qui est capable de faire ça ?

Matthieu RICARD : Vous voyez en Afrique du Sud, ça s’est fait ?

Interviewer : Oui, ça s’est fait parce que Nelson…

Matthieu RICARD : Desmond TUTU…

Interviewer : Desmond TUTU, Nelson MANDELA.

Matthieu RICARD : … et MANDELA. Et oui, mais c’était profondément réparateur pour les gens. Vous savez, le pardon, ce n’est pas excuser. C’est « Arrêtons la haine. » Et c’est profondément réparateur pour ceux qui ont vécu un mal ou quelque chose.

Interviewer : Oui. Comment se retrouve-t-on comme ça ? Je ne veux pas refaire votre vie, Matthieu RICARD, mais vous retrouver comme ça…

Matthieu RICARD : Si vous voulez, de temps en temps, il faut regarder un petit peu en soi.

Interviewer : Vous réfléchissez sur votre…

Matthieu RICARD : Réfléchir plus que réfléchir.

Interviewer : Plus que réfléchir ?

Matthieu RICARD : Regarder qu’est-ce qui compte vraiment en soi-même. Quels sont les facteurs qui contribuent un véritable bien-être à l’ouverture à l’autre. Ce n’est pas l’animosité, ce n’est pas la jalousie. C’est l’ouverture, une certaine sérénité, une force d’âme qui vous donne les ressources pour gérer les hauts et les bas de l’existence et surtout, c’est ce bon cœur, finalement, qu’est-ce qu’il y a de plus formidable que d’être ouvert et bien disposé à l’égard d’autrui ? Je veux dire, vous ne pouvez pas faire mieux. Après, les autres, ça les regarde. S’ils ont de la gratitude ou pas, finalement, ce n’est pas votre affaire.

Interviewer : Oui, ce n’est pas votre affaire.

Matthieu RICARD : Si vous êtes bien disposé, c’est la meilleure chose que vous pouvez faire.

Interviewer : Mais lorsque vous vivez dans votre monastère, vous regardez comment le monde extérieur ? Vous avez des moyens, Internet, la télévision ?

Matthieu RICARD : Au monastère, j’écoute les nouvelles sur la BBC parce qu’on n’attrape pas 00:17:59 au Népal. On se tient au courant du monde.

Interviewer : Vous écoutez les nouvelles quand même, la BBC, ouais 00:18:00.

Matthieu RICARD : Mais si  vous voulez, le fait parfois de partir dans un ermitage, ce n’est pas se couper du monde, c’est au contraire avoir dans son cœur un peu la pensée de ce qu’on pourrait faire pour soulager un peu les souffrances dans le monde et un tel mental et physique. Je vous ai dit, il y a cette motivation qui reste avec nous.

Interviewer : Oui, je regardais et vous rappelez cette phrase d’Albert SCHWEITZER : « Tous ceux que j’ai connus pour être vraiment heureux avaient appris comment servir les autres. »

Matthieu RICARD : Il a dit une autre chose qui est très bon pour l’économie, c’est : « L’amour double à chaque fois qu’on le donne. »

Interviewer : « L’amour double à chaque fois qu’on le donne. » ?

Matthieu RICARD : Mais oui, plus vous le faites manifester, plus ça augmente.

Interviewer : Plus ça augmente. Merci d’être venu nous voir, Matthieu RICARD. Plaidoyer pour l’altruisme, la force de la bienveillance, NiL Editions.

[/vc_column_text][/vc_tta_section][/vc_tta_accordion][/vc_column][/vc_row]

 

 

Le livre Plaidoyer pour l’Altruisme : La force de la bienveillance est disponible en plusieurs formats :

  1. Livre broché
  2. Livre audio (CD MP3)
  3. Livre électronique Kindle
Le livre "Playdoyer pour l'altruisme"

Le livre « Playdoyer pour l’altruisme »

Avez-vous déjà lu ce livre ou un autre du même auteur ? Qu’en avez-vous pensé ? Vos retours sont les bienvenus.

Mise à jour : une autre vidéo de Matthieu Ricard sur l’altruisme à ne pas manquer :

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